En vue de contribuer à combler le gap dans le financement des startups gabonaises, un groupe d’investisseurs providentiels gabonais a créé le Gabon Angel Investor Network (GAIN). © Gabonreview/Shutterstock
L’entreprenariat s’est significativement développé au Gabon depuis une dizaine d’années. Des infrastructures sont là. Une culture plus favorable à la prise de risque a émergé. Un fonds d’investissement richement doté et dédié aux PME a été lancé. Pourtant les entrepreneurs se plaignent toujours de leur difficulté à accéder aux financements. Une solution reste largement inexplorée ; il s’agit du business angel ou angel investor, le chaînon manquant de l’entreprenariat au Gabon.
Selon Dan Isenberg, ancien professeur à l’Université de Harvard, les « écosystèmes entrepreneuriaux » performants sont constitués notamment des politiques favorables aux entreprises ; de la force du leadership ; d’une gamme de soutien institutionnel et infrastructurel ; et de la disponibilité de financements adaptés aux entreprises. Bien qu’il nous reste du chemin à faire, il convient de reconnaitre objectivement que l’écosystème entrepreneurial gabonais a connu un grand progrès depuis une dizaine d’années.
Une politique relativement plus favorable aux entreprises, notamment les nouvelles entreprises, a été mise en œuvre par l’État avec plus ou moins de succès. On peut citer les efforts de l’Agence Nationale de Promotion des Investissements pour faciliter les démarches administratives, réduire les délais de création d’une entreprise. Après la mise en place du Guichet numérique, 4.349 entreprises ont été créées en seulement 6 mois d’exploitation en 2020 à comparer aux 5.800 entreprises créées durant toute l’année 2019. Au passage, les délais en matière de création d’entreprise, sont passés de 15 à 7 jours. Récemment, le directeur général de l’ANPI-Gabon a formulé son ambition de le réduire encore à 2 jours.
La force du leadership s’est manifestée d’une part dans la plus grande importance accordée à l’entreprenariat et, d’autre part, dans l’amorce d’un changement de culture plus favorable envers la création d’entreprise de la part d’un plus grand nombre de Gabonais. En matière de soutien institutionnel et infrastructurel, le Gabon s’est doté d’un incubateur national depuis 2014 ; de l’Espace PME depuis 2016 ; et de deux nouveaux espaces d’incubation, l’un à Port-Gentil sur les hydrocarbures et l’autre à Mouila dans le domaine agricole.
Des incubateurs privés ont aussi ouvert : la Société des Incubateurs Numériques du Gabon (SING), Ogooué Lab ainsi que ses affiliés, École 241 et le programme StartX241. Des compétitions de projets ont également permis de faire émerger plusieurs startups. Sur le plan du financement, le fonds Okoume Capital, filiale du FGIS, apporte un début de solution avec une force de frappe de 20 milliards de FCFA. Toutefois, parce qu’Okoume Capital n’a pas vocation à financer toutes les startups gabonaises dès le stade embryonnaire, il reste un « gap » de financement dans l’écosystème entrepreneurial gabonais.
En effet, aucun écosystème entrepreneurial ne peut être performant sans l’apport crucial des business angels. Même celui des USA – qui est le plus avancé du monde et qui a engendré la Silicon Valley d’où sont sorties des pépites telles que Apple, Microsoft, Facebook, Twitter, WhatsApp et Instagram – bénéficie de l’apport des business angels. Ce sont eux qui ont financé ces multinationales lorsqu’elles n’étaient encore que des startups sans employés et sans moyen.
Selon l’ABAN, l’association panafricaine des réseaux de business angels, un investisseur providentiel est un individu qui dispose d’un montant discrétionnaire qu’il ou elle souhaite investir dans des startups. Il ou elle leur accordera aussi de son temps, de son expertise et leur ouvrira son réseau pour les accompagner dans leur développement. Les business angels se focalisent donc sur de jeunes pousses tandis que les fonds institutionnels tels que Okoume Capital investissent plutôt dans des entreprises qui ont déjà atteint un certain niveau de développement.
Afin d’augmenter leur puissance de feu, les business angels devraient s’associer à d’autres plutôt que d’investir seuls. Le principal avantage à constituer des clubs ou des syndicats est la mise en commun des ressources. Il est plus facile de chercher une aiguille dans une botte de foin à plusieurs que seul.e. Autrement dit, les réseaux personnels de tous les investisseurs du club permettent de ratisser beaucoup plus large et d’augmenter la probabilité de détecter une pépite.Un club permet d’investir une plus grande somme d’argent collectivement et ainsi de participer à des projets plus importants.
Tous les business angels d’un club ne sont pas forcément aussi expérimentés les uns que les autres. Investir ensemble leur permet d’agréger leurs différentes compétences et expertises au bénéfice des startups. Du point de vue de la startup, recevoir un investissement d’un club de business angels plutôt que d’un seul investisseur présente aussi de nombreux avantages. Lorsqu’une startup reçoit un investissement d’un club de business angels, elle gagne accès à une vaste somme d’expertise, d’expérience et aux réseaux de contacts privés et professionnels de tous ces investisseurs. Elle négocie les mêmes conditions d’ouverture de son capital avec la collectivité des business angels plutôt que de mener autant de discussions qu’il y a d’investisseurs providentiels.
Afin d’agréger les business angels gabonais, de vulgariser l’activité d’angel investing auprès des investisseurs potentiels et de représenter les business angels auprès des autorités, un groupe d’investisseurs providentiels gabonais a donc créé le GAIN (Gabon Angel Investor Network). Le GAIN a l’ambition de contribuer à l’accélération du développement de l’écosystème entrepreneurial au Gabon et de combler le gap dans le financement des startups gabonaises. Le GAIN profite de cette tribune pour lancer un appel à candidatures de startups. Ses membres au Gabon et de la diaspora, guidés par leur passion pour l’entrepreneuriat et leur attachement au pays, sont prêts à investir et accompagner des entrepreneurs pour qu’émerge bientôt le « Facebook » africain d’origine gabonaise.
Fabrice NZE-BEKALE, Directeur Général ACT Afrique Business angel
________________________________________________________________
* Titulaire d’un Master en finance et ingénierie financière de l’Université de Paris-Dauphine (France) et d’un MBA de la London Business School (Royaume-Uni), Fabrice Nze-Bekale a construit une carrière internationale dans les services financiers, les télécoms et les mines, dans les secteurs privé et public. Avant de rejoindre le groupe ACT Afrique, il a lancé et dirigé la Société Équatoriale des Mines, société nationale des mines du Gabon (SEM) pendant 6 ans.
Précédemment, il a été responsable de l’activité Corporate & Investment Banking chez Citibank au Gabon avant de rejoindre Celtel International en qualité de Group Corporate Finance Manager où il travaille au financement de la dette du groupe sur ces différentes entités d’Afrique subsaharienne et restructure celle-ci pour un montant total de 1 milliard de dollars. Il a également réorganisé la structure du capital d’une douzaine de filiales à hauteur de 1,5 milliard de dollars, avec notamment l’introduction de Celtel Zambie à la bourse de Lusaka.
Fabrice Nze-Bekale a aussi travaillé au sein du département Global Telecoms et Media de la Standard Bank Plc à Londres, où il a conseillé des acteurs majeurs du secteur tels que MTN Group, Orascom Telecom Holdings et Portugal Telecom dans leurs activités en Afrique.
Convaincu de l’importance de l’entreprenariat pour le développement économique du Gabon, il investit dans des startups à titre personnel. Il est membre du Dakar Network of Angels et Président du Gabon Angel Investor Network.
Kommentare